"A mon frère"

"A mon frère"

Relique textile suspendue - 2022

Mon ami,

Mon frère.

Toi et moi,

C'était Anda*

Et sonna le glas,

Dans les cieux et l'au-delà.

Sous le grand ciel Tengri*

Ce n'est qu'un court adieu, mon ami.

C'est ta voix que j'entends encore au détour d'un chemin,

Comme un écho venu ébranler mon cœur emplit de chagrin.

C'était soudain,

Comme l'écume d'une fin d'été entre nos mains.

Mais mon frère, j'ai dû faire face,

Et de toi, j'ai gardé une trace.

Ta dernière demeure t'offrira pour toujours les rayons de l'Ouest,

Et le vent tes dernières caresses.

Je me souviens des vols suspendus des rapaces,

Et de leurs ombres dont seules les falaises en gardent les traces.

Je ne sentirai plus ta présence,

Mais seule l'empreinte de ton essence.

Alors j'irai seul,

Le silence comme compagnon de fortune,

Et mes nuits à écouter l'ombre de la lune.

J'irai seul,

Avec tout ce qui me reste de toi,

Et ce chagrin comme émoi.

Ta mort a fait de moi un homme solitaire.

Et j'ai continué à saluer notre terre.

J'ai appris à écouter d'autres chants,

Ceux des saisons, des pluies et des torrents.

Parce que mon frère, c'est aussi dans la mort que l'on apprend,

Que l'on apprend à aimer le chant de l'instant.

J'irai seul,

J'attendrai mon dernier linceul.

Et j'aurai, mon frère,

Une dernière pensée,

Avant de te retrouver.

Parce que mon frère,

Anda, lui, ne meurt jamais.

"A mon frère" - Karine N'guyen Van Tham

 

Composition : Lin, laine, Teintures végétales (indigo et noix de galles), bois, papier, encre de chine.
Techniques : Écriture, tissage artisanal du vêtement complet (métier à tisser Japonais), Tissage artisanal des rubans (métier à tisser Suédois), teintures végétales (Indigo et noix de galle), capitonnage, coutures, techniques diverses de vieillissement.
Dimensions : 28cm Hauteur x 46cm Largeur x 34cm Profondeur
Année : 2022

* Anda : « Nous nommons « frères de sang », en traduisant mot à mot l’expression turque qan qardech, qui met l’accent sur l’aspect rituel, ce que les Mongols appellent « frères jurés » (anda, terme dérivé de ant, « serment ») et qui insiste donc d’avantage sur l’aspect moral. Sous ce double vocable se cache une seule et même réalité qui implique un engagement solennel appuyé sur un échange de sang ou, à défaut, de quelque substitut […] En règle générale, deux adultes qui entendent s’unir par un lien théoriquement indissoluble, un lien qui fait « qu’à eux deux, ils n’ont plus qu’une seule vie », doivent absorber chacun un peu de sang de l’autre. […] Les frères jurés sont plus que des frères naturels. Ce qui unit ces derniers ne découle que des hasards de la naissance et il ne paraît pas d’une gravité extrême de rompre ce lien […] Au contraire, ce qui unit les frères jurés est voulu rituel, et la rupture du lien est un acte redoutable, qui, dans l’absolu, devrait entrainer la mort des parjures. » - Extrait de L’Histoire de l’empire mongol de Jean-Paul roux, éditions Fayard 2002.