Biographie

Née en 1988 à Marseille, Karine vit et travaille en centre Bretagne depuis 2016.

Après des études à l’École Supérieure d'Art et de Design Marseille – Méditerranée (INSEAMM) de 2007 à 2011, Karine se forme à la tapisserie d'ameublement en 2012 où elle se passionne pour le textile. Elle commence alors son apprentissage de tisserande autodidacte en 2014, avant de se décider, en 2017, à concevoir ses propres textiles sous forme d’objets d’héritages et de transmission. Cette même année, sa première œuvre textile est récompensée par le Prix création de la région Bretagne des Métiers d’art. Depuis, elle ne cesse d’exposer et de partager ses œuvres à la lisière entre Art et Artisanat d'Art, en France et en Europe (Paris, Londres, Roubaix, région Bretagne et Normandie) au travers de galeries d’art. Récemment, en 2024 elle expose à Bruxelles au sein de l’Espace Constantin Chariot et à Venise où elle participe à la 60e Biennale Internationale d’Art ; sélectionnée par la commissaire Daniela Ferretti et la Fondazione dell’Albero d’Oro pour l’exposition «Per non perdere il filo», en duo avec l’artiste indienne Parul Thacker, au Palazzo Vendramin Grimani. Cette même année, elle remporte le Prix de la jeune création européenne à la foire d’Art Contemporain de Strasbourg aux côtés de la galerie Espace Constantin Chariot.

Aujourd'hui, dans son atelier situé en centre Bretagne, elle exerce la sculpture textile, l’écriture et, plus récemment, le dessin. Trois disciplines devenues intimement liées, qui se répondent et se nourrissent.

Démarche artistique

Karine N’guyen Van Tham a toujours conçu ses œuvres textiles comme des objets d’héritages et de transmission.

Cette vision est née de souvenirs d’enfance ; où elle voit les soins accordés aux vêtements de ceux qui furent aimés.

De ceux qui les ont quittés.

Elle se souvient de cet objet qui entend les vivants parler, reçoit les caresses et les larmes versées.

Elle se souvient de cette difficulté à s’en séparer et de ceux, impossibles de déplacer.

Karine a compris, très jeune, le pouvoir de trait d’union de cet élément, indissociable de l'Homme, qui devient une prolongation de l'être.

Elle voit dans l’objet textile une relique empreinte du vivant, d’odeurs, de postures et d'émotions.

Vestige d’un autre temps, seul témoin d’un passé oublié, d’un fragment de vie tombé dans l’oubli.

Un fragment de vie qu’elle s’attache à raconter à travers un dialogue subtil entre l'émotion et la matière qu'elle entretient et qui se matérialise entre ses mains ; Karine ressent une mémoire qui remonte "d'une source en elle", la traduit sous forme de poésies sans jamais chercher le vers, car "c'est lui qui se fait, seul, entendre dans le creux de l'oreille".

Puis, elle se laisse guider sur papier et retranscrit la fugacité des poèmes et des visions (diurnes-nocturnes). La poésie et le dessin deviennent alors un couple inséparable où le trait fait naître un vers et où un vers crée une nouvelle forme. Ses "poèmes illustrés" - comme elle aime les nommer - sont de véritables supports vivants de compréhension d'une histoire à la fois universelle et profondément intime de par son processus d'apparition.

Enfin, vient le moment où elle pose ses crayons et se met à tisser, plonger ses mains dans les couleurs végétales, broder, sculpter, user. La notion de temps se perd et c'est dans la sacralité des gestes que peuvent se révéler les objets tant attendus, ceux qui ont "traversé les strates du temps pour venir nous raconter leurs histoires".

À travers ses "poèmes illustrés" et "objets d'histoires", Karine interroge les émotions des vivants face à la perte et à l’inéluctable, mais aussi, face à la découverte parfois bouleversante d'éclats de vies marqués par l’Histoire ou le tumulte de la vie elle-même.

Elle tisse des liens entre Passé et Présent et met en lumière notre propre relation à l'Histoire, au temps et à leur caractère d'impermanence.

Elle ressent intimement chaque œuvre comme étant intrinsèquement liée à tout ; passant alors sans cesse de l’inconscient collectif au personnel, des mémoires de l’Humanité à celles plus personnelles.

Ses œuvres singulières, qui nous racontent des fragments d’histoires ou de vies, nous paraissent - de prime abord - lointaines et floues mais, à y regarder de plus près, c’est un effet miroir qui se crée ; une mise en exergue, un écho à nos propres mémoires les plus enfouies.

Karine aborde des thèmes liés à la mémoire personnelle comme le deuil, l'enfance et la solitude. Elle traite également des thèmes liés à la mémoire collective et qui marquent l’Homme depuis des temps immémoriaux tels que l'esclavage, la guerre médiévale, le pèlerinage, les ermites ou bien encore le nomadisme et les transhumances. Une manière pour elle de renouer et continuer à faire vivre une part de l’humanité qui tend à s’effacer.

De lever le voile avec pudeur sur ces thèmes inhérents à l'Homme dans toute sa beauté comme dans sa difficulté.

De livrer un espace commun d’apaisement invitant au recueillement.

Au fil de son parcours créatif, la vision de Karine pour l’objet textile s’est élargie. Aujourd’hui, elle voit plus loin que le rapport entre l’Homme et le textile.

Elle voit plus grand et aborde cet élément comme devenant un « objet frontière poreux », à la lisière entre deux mondes, en lien constant entre l’Homme, son corps et son environnement.

Un environnement qui laisse des traces et que l’objet textile absorbe au même titre que nos postures et émotions.

Karine part alors à la conquête de nouveaux territoires, du territoire en lui-même et se met à questionner, faire dialoguer les rapports qui existent entre l’Homme, son environnement et l’objet textile.

Il est au centre d'un questionnement toujours en mouvement : Comment évolue-t-il, se modifie-t-il sous l'influence de l'Homme et du paysage ? Comment l'union de ces deux énergies, mondes, peut-elle plastiquement se traduire ? De ces rencontres d'influences, peut-il naître un " objet frontière " poétiquement singulier ? Et si elle y prête une conscience que pourra-t-il alors nous raconter ? Quelle vision, quel monde aurait-il à nous offrir ?

Ce lien profond, tissé entre ces trois essences, Karine, aime l’explorer et le faire vivre à travers l’installation de ses œuvres dans leur milieu naturel pour les voir se modifier, dialoguer, s’imprégner des éléments ou tout simplement y raconter leurs histoires.

Elle va, avec subtilité jouer entre Présence et Absence au sein de ses installations ou de l’objet textile en lui-même ; là où l’Homme n’apparaît physiquement jamais, là où l’environnement se meut sans cesse, ce sont leurs traces, figées dans la matière, qui parlent pour eux.

Artiste de l’absence, Karine se met en quête de faire de cette dernière une matière vivante révélatrice d’histoires et où à elle seule, elle deviendrait enfin une présence.

Références et inspirations

Les inspirations et références de Karine se veulent variées, et parfois, un seul détail suffit.

Karine s'est toujours attachée à se trouver dans l'introspection profonde et la solitude. Très jeune, elle commence ses recherches autour du sacré, des religions, du "divin en elle", de l'inconscient et des rêves à travers la méditation et l'hypnose. Au fil de son processus de recherches intérieur et extérieur, elle s'intéresse aux travaux de Carl Gustav Jung (médecin psychiatre 1875-1961) qui concernent l'inconscient, la place du sacré, des symboles et archétypes. Elle va ensuite, se référer aux travaux de Rudolf Otto (théologien luthérien 1869 - 1937) et sa théorie du "sacré" ainsi que du numineux.

Avec son travail autour du vêtement, elle se plonge dans les écrits de Mircea Eliade (historien des religions, mythologue, philosophe) et ses travaux autour du chamanisme et du vêtement comme étant un objet sacré de lien entre le visible et l'invisible.

Tout comme Germaine Richier (Sculptrice Française) - dont elle admire la liberté du geste, le travail de cisaillement des couches de glaises et la recherche du vivant dans des formes déchiquetées - Elle va dans un premier temps glaner ses inspirations dans son environnement, qu’il soit celui dans lequel elle vit ou celui dans lequel elle ne fait que passer, car c’est bien la contemplation de ce dernier, vivant, qui crée le premier terreau de son imaginaire.

Sans jamais se focaliser sur un ou une artiste en particulier, elle va tantôt puiser dans les formes aussi puissantes qu’abstraites d’Ursula Von Rydingsvard (Sculptrice Allemande) - où la force du geste se mêle à celle de la nature - que dans les œuvres poignantes de Berlinde de Bruyckere (Artiste Belge) et tout particulièrement, dans son illustration de la vulnérabilité à travers le traitement d’objets de lieux de vie tels que des couvertures, matelas, lit.

Elle va s’attarder et observer méticuleusement un objet empaqueté par Christo et Jeanne Claude (Artistes contemporains) qui traduit un langage, une histoire du geste et devient acte de transformation ; passant alors de l’objet fonctionnel à la sculpture, du profane au sacré.

Dans son approche de la couleur et du textile, elle va trouver résonance dans les Abakans de Magdalena Abakanowicz (Sculptrice Polonaise) où l’utilisation des fibres et couleurs végétales aux teintes terreuses la renvoient inévitablement à la force de son environnement, cet humus créatif.

Dans son travail autour de la mémoire, du vêtement et de la présence, c’est l’installation "Personne" de Christian Boltanski (Artiste Français) au Grand palais pour l’événement "Monumenta" en 2010 qui fait partie de ses références les plus notables.

L’œil se pose, la sensibilité s’aiguise. Il suffit pour Karine d’observer le traitement de la lumière de la nuit par Willy Kriegel (peintre allemand) dans son tableau "La nuit", 1943 ou par Hermann David Salomon Corrodi (peintre Italien) dans "Promenade nocturne des moines au Mont Athos", 1905 pour faire jaillir des émotions qui se traduiront en vers et en matière.

Son travail de l'illustration et du dessin se nourrit de l'imagerie médiévale et de ses couleurs franches.

Ses illustrations traduisent un trait naïf car elle ne cherche pas de mise en perspective ou de composition parfaite. Elle s’intéresse d’avantage à traduire une mémoire qui "remonte d’une source" par un trait automatique pour en garder la fugacité et l’authenticité.

En ça, elle s’intéresse de prêt à l'Art médiumnique avec des artistes tels que Madge Gill (peintre médium Anglaise) et Raphaël Lonné (peintre Français).

Il lui faut s’attarder sur la vie et la vision de personnages qui ont façonnés l’Histoire tels que Gengis Khan (Grand Khan de l’empire Mongol, 1162-1227), Kubilai Khan (Empereur de Chine, 1215-1295) et Marco Polo (Explorateur et Marchand Vénitien, 1254-1324) pour y puiser force et philosophie de vie qui deviendront des références au-delà même du champ artistique.

Les inspirations de Karine vont de pair avec une sensibilité accrue à l’Homme, son parcours, son Histoire. C’est dans ce long sillon qu’elle s’attache à s’inspirer des différents aspects de la condition humaine comme la guerre, l’esclavage ou la résilience ainsi que d’un minimalisme de vie porté par des Hommes de temps immémoriaux qui perpétuent des traditions où une recherche plus grande que leurs propres conditions, tels que les transhumants, les pèlerins ou les ermites.